Ceux qui me connaissent savent à quel point je suis passionné par le foot (soccer) depuis de nombreuses années. Vivre en Europe m’a plongé encore plus profondément dans cet univers, et j’apprécie chaque moment. S’il y a un volet que je découvre toujours plus, c’est le football (soccer) féminin. La popularité de ce sport chez les femmes ne cesse de grandir, beaucoup de pays se « professionnalisent » et possèdent désormais une équipe nationale sans compter sa structure de développement.

Depuis notre arrivée en Espagne, j’ai cependant constaté une tendance inquiétante: de nombreuses jeunes joueuses subissent des blessures graves, notamment des ruptures de ligaments, un phénomène que j’ai observé dans beaucoup d’équipes de différents niveaux lors des dernières années.

Les académies comme celle de ma fille Roxanne au CF Valencia appliquent des règles très strictes quant au type de crampons utilisés. Par exemple, sur les terrains synthétiques, seules les chaussures à crampons ronds sont autorisées. Si une joueuse n’est pas équipée de ces crampons spécifiques, le corps médical n’autorise tout simplement pas sa participation aux entraînements. Cette précaution vise à réduire le risque de blessure en limitant le stress sur les articulations, notamment les genoux et les chevilles.

Une partie de la réponse à ce nombre de blessures m’a été révélée lors du tout premier colloque sur le foot féminin organisé par la fédération française de football à Clairefontaine plus tôt cette année. J’ai assisté à une présentation du Dr. Emmanuel Orhant, directeur médical de la FFF et également membre de la Commission médicale de l’UEFA, sur la « Traumatologie du Football Féminin et Stratégie de Prévention ».

Voici des informations importantes qui ont été communiquées lors ce colloque.
Les statistiques sont claires : les joueuses de football sont significativement exposées aux blessures, et le taux de blessures dans le football féminin est préoccupant. Les données montrent qu’il y a entre 2,48 à 9,4 blessures pour 1000 heures de jeu, et ces chiffres grimpent à 21 blessures pour 1000 heures pendant les matchs. Ces chiffres, bien plus élevés par rapport à l’entraînement, indiquent une exposition particulièrement élevée lors des compétitions.

La majorité des blessures sont localisées aux membres inférieurs, et les zones les plus touchées sont les chevilles, les genoux, et les cuisses. Notamment, les blessures au ligament croisé antérieur (LCA) sont un problème récurrent dans le football féminin, représentant l’une des blessures les plus sérieuses et fréquentes. Les raisons de cette vulnérabilité aux blessures sont multiples, allant des facteurs anatomiques aux différences physiologiques spécifiques aux femmes.

Facteurs de risque spécifiques aux joueuses
Le Dr Orhant a souligné plusieurs facteurs qui contribuent à la prévalence des blessures chez les femmes, notamment des différences anatomiques et hormonales vis à vis les hommes. Par exemple, les femmes ont un bassin plus large, ce qui entraîne un angle Q. L’angle Q représente l’angle formé entre la ligne du quadriceps (la ligne de force du muscle qui traverse la cuisse) et la ligne tendant vers la rotule plus élevé au niveau des genoux, augmentant ainsi le risque de blessure ligamentaire. La morphologie du ligament croisé antérieur, souvent plus faible chez les femmes, en fait également une structure plus vulnérable.

En outre, les variations hormonales dues au cycle menstruel influencent aussi la stabilité articulaire et la laxité ligamentaire. Cela pourrait expliquer pourquoi certaines phases du cycle augmentent la susceptibilité aux blessures. Le cycle hormonal entraîne des modifications de la voûte plantaire, ce qui impacte la qualité de réception des sauts et augmente le risque de blessure aux chevilles.

La prévention : une stratégie globale et individualisée
Pour prévenir ces blessures, la prévention doit être multidimensionnelle, abordant non seulement l’aspect physique mais aussi les facteurs psychologiques et neurocognitifs. Le Dr Orhant recommande des stratégies de prévention basées sur le renforcement musculaire, la proprioception, et l’amélioration des techniques de réception des sauts.

Par exemple, travailler sur l’équilibre musculaire est crucial pour éviter les blessures aux genoux. Le contrôle lombo-pelvien dynamique, le core training, et des exercices de déstabilisation pendant les entraînements aident à renforcer la stabilité articulaire. Pour les blessures aux chevilles, il est essentiel de renforcer les muscles intrinsèques du pied et de travailler sur la qualité du pied pour améliorer la stabilité.

Les stratégies de prévention doivent également tenir compte du cycle menstruel de chaque joueuse, avec une adaptation des charges d’entraînement en fonction des phases du cycle pour minimiser le risque de blessure. Cela pourrait, par exemple, impliquer un renforcement spécifique pendant la phase folliculaire, où le risque de blessure ligamentaire est plus élevé.

Des équipes médicales et techniques essentielles
Le rôle des équipes médicales et techniques est fondamental dans la prévention des blessures. Elles doivent adopter une approche personnalisée, en tenant compte des caractéristiques physiologiques uniques de chaque joueuse. Cela inclut la collecte de données détaillées sur le cycle menstruel, nutrition, le suivi des performances individuelles, et l’ajustement des programmes d’entraînement pour répondre aux besoins spécifiques des joueuses.

Les facteurs psychologiques ne doivent pas non plus être négligés. Gérer le stress et améliorer la communication au sein de l’équipe sont des éléments clés pour créer un environnement propice à la prévention des blessures. Des évaluations psychologiques régulières et un soutien continu aident les joueuses à mieux gérer la pression, ce qui peut indirectement réduire le risque de blessures.

Conclusion
Ce colloque m’a permis de mieux comprendre pourquoi tant de jeunes joueuses souffrent de blessures sérieuses. Une combinaison de renforcement musculaire, de gestion des charges d’entraînement en fonction du cycle menstruel, et de soutien psychologique est essentielle pour protéger nos jeunes athlètes et leur permettre de continuer à pratiquer le sport qu’elles aiment en toute sécurité.

J’ai l’impression que certaines jeunes joueuses avec beaucoup de talents, montent les échelons de la compétition beaucoup trop rapidement. Bien que certaines puissent avoir l’allure physique d’une adulte, leur corps a encore besoin de temps pour se renforcer et se développer correctement. Cette disparité entre l’apparence physique et la maturité réelle pourrait, à mon avis, contribuer aux risques accrus de blessures.

La traumatologie du football féminin est un enjeu complexe qui nécessite une prise de conscience accrue et une approche préventive ciblée. Les blessures, en particulier celles aux membres inférieurs, sont un problème récurrent, mais grâce à des stratégies de prévention adaptées, il est possible de réduire considérablement les risques.

Obtenir les meilleurs conseils Abonnez-vous à notre infolettre