Cet article n’a pas pour objectif de décourager qui que ce soit, bien au contraire. Réaliser son rêve sera toujours possible, mais savoir dans quelle aventure tu t’embarques va peut-être mieux t’aider à le réaliser.

Depuis que notre famille s’est installée en Espagne en 2021, je reçois très souvent des messages de parents et de jeunes joueurs du Québec.

On demande souvent :

  • «Comment faire pour venir jouer au soccer en Europe?»
  • «Ma fille ou mon gars aimeraient faire comme ta fille.»
  • «Peux-tu me mettre en contact avec les académies comme le Barça ou le Real?»

Ces questions sont normales et légitimes mais disons qu’elles tirent bien haut, au dessus du filet.

Le rêve européen est puissant : les grands clubs, la passion, la technique, les stades mythiques, l’ambiance incroyable. Mais ce que peu de gens racontent, c’est l’envers du décor, la partie invisible du rêve. Celle qui demande des sacrifices, du courage, de la persévérance et … beaucoup de résilience.

D’abord, attention aux arnaques et aux fausses promesses

En Amérique du Nord et ici en Espagne, je vois de plus en plus d’organisations ou de recruteurs qui promettent monts et merveilles : des camps ou essais en Europe, des contacts avec des clubs pros, des promesses de contrats etc.  Mais souvent, ces promesses viennent avec une facture. Soyons clairs :

Si on te demande de payer pour être recruté, c’est qu’il y a possiblement un objectif de faire du « cash » derrière.

Les grands clubs ne demandent rien. Ils ont déjà des centaines de jeunes à évaluer et à suivre.

Et il faut comprendre à quel point la concurrence est immense. Rien que dans la communauté valencienne, où nous vivons, il y a environ 330 clubs juvéniles compétitifs (16 à 18 ans) chez les garçons. Oui, 330, juste dans une seule région. Autrement dit, il ne manque pas de joueurs ici alors pourquoi les clubs Européens viendraient en Amérique du Nord pour recruter des talents.

Avant d’envoyer votre adolescent ou adolescente ou de signer un chèque, informez-vous, vérifiez, et méfiez-vous des raccourcis.

Jouer en Europe, c’est top mais ce n’est pas l’imposition des mains des Dieux du foot. L’Amérique du Nord a aussi de plus en plus de structures intéressantes pour se développer, évaluer pleinement ces options d’abord.

Aussi, les académies des grands clubs européens qui se retrouvent partout dans le monde, ne sont pas nécessairement des cellules de recrutement mais des moyens pour les clubs d’avoir une plus grande visibilité internationale, d’améliorer leur notoriété, de faire voyager leur marque. Ces présences internationales permettent aussi de communiquer la culture et la technique de jeu, ce sont de bonnes écoles pour apprendre.

Si tu veux te développer en Europe, tu dois d’abord venir repérer les lieux pour trouver une région. Puis ensuite, intégrer un club local ou régional dans le bas de l’échelle. Il y a des recruteurs partout, si tu as du talents et du potentiel, on te remarquera, les portes s’ouvriront éventuellement.

Les places dans les grands clubs ne s’achètent pas.

Je connais des académies internationales crédibles qui ne sont pas reliées à des clubs ici en Espagne et qui accueillent des joueurs internationaux mais il y a des frais importants à payer. C’est une option à considérer si vous voulez emprunter cette voie mais préparez-vous à investir.

Le cas de Roxanne : repartir à zéro en Espagne.

Quand nous sommes arrivés à Valencia, notre fille avait 13 ans. Roxanne est une ultra passionnée de soccer depuis qu’elle est toute petite, elle vit et respire foot. Ce qu’elle avait fait au Canada, marquer beaucoup de buts, jouer en sélection régionale, surclassement en équipe de garçon etc, rien ne comptait plus ici. Elle devait tout recommencer à zéro. Pourquoi? Car le style de jeu espagnol est complètement différent de ce qui est pratiqué au Québec.

Mais il y avait bien plus …

Une adaptation massive à une nouvelle vie, nouvelle équipe, nouvelle langue, nouvelle culture, nouvelle école, savoir mettre son égo dans la poche d’en arrière. C’est comme apprendre à marcher à nouveau, sauf que tout le monde autour court déjà dans un style de jeu très précis.

En Europe, les clubs jugent sur ce qu’ils voient et par référence crédible et sérieuse, pas sur ce que tu as fait ailleurs.

Petit conseil, si vous décidez d’envoyer des vidéos à des recruteurs, c’est une bonne idée, mais attention, si vous envoyez seulement des buts, les clubs n’en ont rien à cirer. Les recruteurs veulent voir le jeu complet : déplacements, défense, réaction, vision, attitude. Les buts, c’est la cerise. Mais ce qui compte, c’est le gâteau. Des joueurs et des joueuses de qualité, il y en a partout ici.

La première porte ouverte.

La porte d’entrée de Roxanne en Espagne a été ouverte par un club local, le CFF Maritim, référé par un agent de joueur avec qui nous avions noué un contact avant le départ.

Roxanne a fait 6 mois d’entraînement sans jouer de vrais matchs, le temps de transférer sa licence de joueuse du Canada et régler toute la poutine administrative.

Puis, on lui a dit après quelques mois, tu n’es pas une attaquante, tu as un potentiel de numéro 6 ou de défense centrale, fini le jeu offensif, une autre adaptation à faire.

Elle a pleuré souvent en revenant des entraînements ou des matchs :  « Papa, je ne sais plus quoi faire avec le ballon, on dirait que je ne sais plus jouer. » 

Coachs privés les soirs de congé pour comprendre le jeu espagnol, préparateur physique pour améliorer la vitesse et l’explosivité, psychologue sportif chaque deux semaines, nous avons fait tout en notre possible pour mettre les chances de son bord.

Puis finalement, ce changement de position sur le terrain a porté fruit puisque Roxanne a été repérée par un grand club espagnol, Levante UD pour venir faire des tests et c’est à ce moment que tout a changé.

Ensuite, après deux saisons avec Levante UD, ce fut la signature d’un premier contrat avec le Valencia CF en 2024, puis cette année à l’aube de ses 18 ans, elle évolue maintenant avec le club de Villarreal CF, aux portes du plus haut niveau féminin en Espagne, sans compter deux sélections en équipe de France U17 et U19 car Roxanne a la double nationalité.

Cinq saisons de travail, de doutes, de progression et de défis constants. Le chemin est long, exigeant, plus compliqué que nous pensions et rien n’est jamais garanti.

Derrière chaque photo sur les réseaux sociaux, chaque sélection, chaque article dans les médias, il y a souvent des turbulences énormes : des remises en question, des blessures, des périodes de découragement. Rien n’est linéaire, rien n’est facile.

Intégrer un club en Espagne, c’est relativement accessible, il y a des centaines d’équipes locales. Mais intégrer une académie d’un grand club de La Liga en vue de faire une carrière, c’est une autre game. C’est comme essayer de se tenir sur la pointe d’une aiguille : la compétition est féroce, la marge d’erreur minime, et tout peut basculer très vite.

Les entraînements : le gym sombre de Rocky à Philadelphie.

En Espagne, le foot n’est pas un club social. C’est du sérieux, de la compétition pure. Chaque entraînement, c’est une bataille. Tu dois gagner ta place à chaque séance pour jouer le week-end, contrairement au Canada, on peut te faire réchauffer le banc pendant des semaines ou des mois sans que tu saches pourquoi.

Dans les villages, les terrains sont parfois poussiéreux, les vestiaires humides, les stades parfois modestes avec des surfaces dure comme de la pierre … mais c’est là que le caractère et la résilience se forge.

Il faut comprendre une chose importante : Ici réussir dans le foot peut changer l’histoire d’une famille. Avoir un garçon ou une fille qui se rend jusqu’au niveau professionnel, c’est une fierté immense, mais aussi un changement de vie financière. C’est pour ça que les jeunes ici jouent avec une rage de réussir. Pour beaucoup, le foot n’est pas un hobby, c’est une porte de sortie, une chance unique de donner une vie meilleure à leurs proches.

Des clubs et des académies partout.

Il y a des centres de formation partout en Espagne mais aussi des jeunes du monde entier qui viennent ici et qui veulent percer. Et sur le terrain, cette concurrence se sent. C’est une guerre de tous les jours, sans excuses.Les saisons sont longues, souvent 10 à 11 mois, avec très peu de repos. Il faut tenir mentalement, physiquement et émotionnellement.

Et puis, il y a la partie que personne ne veut voir : les blessures. Ici, une blessure, c’est parfois synonyme de non-sélection. Tu disparais du radar. Alors beaucoup de jeunes apprennent à jouer en silence, à cacher la douleur, à serrer les dents. Parce que si tu vas voir le médecin, le physio ou le soigneur de l’équipe pour dire que tu as mal, il te sortira du groupe. Et quand tu reviendras, ta place ne sera peut-être plus garantie. C’est cruel, mais c’est la réalité du haut niveau. Tu apprends vite que le silence est parfois une stratégie de survie, même si, comme parent, c’est terriblement dur à voir.

L’adaptation : patience et ne jamais perdre de vue ses objectifs.

Depuis quatre ans, nous en avons vu passer, des jeunes d’Amérique du Nord ici. Certains talentueux, d’autres passionnés. Mais beaucoup repartent après quelques mois, épuisés par la difficulté d’adaptation : la solitude, la barrière de la langue, la pression, le rejet, l’éloignement de la famille.

Venir jouer en Europe, ce n’est pas juste un projet sportif. C’est un changement de vie complet : nouvelle langue, nouvelle culture, nouvelles règles, nouveaux codes sociaux.

Et il faut le dire franchement : l’étranger n’est pas toujours bien accueilli. Nous, les parents, l’avons ressenti aussi. Certains sont ouverts et accueillants, d’autres te font clairement comprendre que tu n’es pas “d’ici”. Parfois, on te regarde de travers, on t’exclut sans le dire. Nous avons appris à vivre avec cela mais parfois, cela demande beaucoup de zénitude intérieure …

Pour les jeunes, c’est encore plus dur. Il faut être solide sur le terrain et en dehors pour être reconnu. Et oui, le racisme existe, parfois discret, parfois brutal.

Avoir sa famille avec soi, c’est presque indispensable. Pas seulement pour le soutien moral, mais aussi pour tout le reste : école, papiers, routine, logistique.

Même avec cet appui, ce n’est pas facile. Roxanne, par exemple, n’a jamais eu de plan B et elle a la tête dure. Mais même avec cette passion, il y a eu et il y a encore des moments très difficiles ; blessures, injustices, rejets des autres joueuses, isolement. C’est dans ces moments-là que la famille devient le pilier invisible derrière chaque entraînement ou chaque match à réchauffer le banc.

Apprendre la langue : un passage obligé.

Si vous rêvez de venir jouer ou vivre en Europe, apprendre la langue du pays est essentiel. Ce n’est pas juste une question de mots, mais de compréhension du jeu. Même si tu baragouines l’anglais, cela ne fonctionnera pas en Espagne, ici c’est l’espagnol ou le valencien.

Sur le terrain soccer tout passe par la langue … Les consignes, la mentalité, la façon de penser le jeu.

Même le Québécois qui va jouer en France doit s’adapter à l’accent français, ce qui pourrait paraître simple, n’est pas si évident.

Voir l’expérience pour ce qu’elle est vraiment.

Si tu viens en Europe, ne vois pas ça comme une promesse de réussite.

Vois-le plutôt comme une expérience de vie enrichissante, une aventure humaine et culturelle. Tu vas apprendre, grandir, te découvrir. Tu vas créer des contacts, des amitiés et des souvenirs pour la vie. Même si la carrière ne suit pas la route rêvée, l’expérience restera à jamais.

En conclusion : le rêve, oui… mais les yeux ouverts.

Je rappelle, je ne dis pas cela pour décourager qui que ce soit. Je crois profondément que vivre une expérience en Europe est extraordinaire, pour un jeune mais il faut que la famille ou des personnes très proches soient sur place.

Il faut y venir avec les yeux ouverts. C’est difficile, exigeant, parfois injuste… mais aussi incroyablement formateur.

Si ton rêve est plus fort que tout, si tu es prêt à tomber, à te relever, à apprendre et à souffrir un peu, alors viens.

Ici, le foot n’est pas seulement un jeu. C’est une culture. Et cette culture, il faut la mériter, jour après jour.

Guy Bolduc

Si vous voulez approfondir le sujet encore davantage, je vous invite à regarder cet épisode de Histoire de Foot. et consulter le site Web : https://roxannebolduc.football/

Guy Bolduc

Guy Bolduc, entrepreneur passionné du web, des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, fondateur de Bolle.ca et PPNSource.com, ancien présentateur à TVA et Radio-Canada, je mets aujourd’hui mon énergie au service de la communication numérique avec une touche d’inspiration espagnole 🇪🇸.

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