Vous vous demandez pourquoi nos routes ont l’allure d’un champ de bataille au premier dégel? Vous ne comprenez pas pourquoi il y a des retards de livraison ou des dépassements de coûts importants dans beaucoup de grands projets au Québec?
Non, ce n’est pas à cause des syndicats, ni l’incompétence de notre main-d’œuvre ou de la température.
Parmi les réponses, la culture du plus bas soumissionnaire est un générateur de médiocrité et de magouille qui malheureusement fait fermer des petites entreprises honnêtes qui s’empoisonnent à vouloir manger les miettes des grandes ou des amis fortement favorisés.
Il est clair à mon esprit qu’il y a encore beaucoup de ménage à faire dans les méthodes de sélection des appels d’offres et je souhaite que l’intelligence artificielle puisse y prendre une place importante dans les prochaines années pour amener un jugement plus juste.
Dans cet article, je partage ma perception du problème qui saigne beaucoup de petites entreprises comme la mienne en temps et argent.
Dans mon domaine, le développement Web, production vidéo et marketing, les appels d’offres pour des mandats arrivent sur mon bureau depuis 15 ans. La plupart du temps, ils viennent d’organismes gouvernementaux ou des municipalités.
Souvent, nous sommes en compétition contre des pigistes qui ne paient pas de taxes municipales, ne font pas vivre des familles, n’ont pas de charge salariale avec des déductions à la source.
C’est alors très difficile de se battre au niveau des tarifs contre des micros entreprises, c’est une bataille inégale.
L’art de rendre les choses compliquées quand tu peux faire simple …
La plupart du temps, les appels d’offres que nous recevons ressemblent à une série de documents avec beaucoup de textes, souvent du copié-collé d’anciens documents, enrobés d’une multitude de clauses, des exigences obsolètes et d’une autre époque pour s’apercevoir après trois lectures que la demande aurait pu tenir sur 3-4 pages maximum.
Et force est de constater qu’en technologie, la personne que rédige la demande n’a pas les compétences suffisantes trois fois sur quatre, ce qui augmente considérablement la marge d’erreur à la finale.
Et un long travail commence.
Pour répondre adéquatement à un appel d’offre, le fournisseur potentiel doit à son tour rédiger des documents tout aussi complexes en expliquant la méthodologie et beaucoup de blabla qui ne s’appliqueront probablement jamais dans la réalité lors de l’exécution du mandat, un mal nécessaire pour rester dans la course.
Un travail monastique qui peut prendre des jours même des semaines dans certains cas et qui monopolise des équipes.
En bref, vous devez répondre à plusieurs critères et tenter de séduire un comité qui pourra facilement vous jeter à la poubelle tel un déchet, si bon lui semble.
Sachez que c’est une spécialisation que de remplir ce genre de document et même si c’est très bien fait, la victoire n’est jamais acquise car le donneur de mandat se réserve le droit d’accepter ou de refuser l’une ou l’autre des soumissions reçues, et cela, sans obligation envers les soumissionnaires, j’adore cette clause.
Ce n’est pas tout, s’ajoute à cela de produire un deuxième document dans lequel vous insérez le prix que vous pensez juste et enfin, la cerise sur le sundae, on vous demande parfois, un chèque certifié en caution qui peut représenter selon ce que j’ai vu entre 5% et 20% du montant du mandat et qui sera retourné si vous n’avez pas le contrat. Tout cela pour prouver votre solidité financière.
Parfois la décision peut prendre des semaines … merci de votre patience.
Les appels d’offres, une loterie pour les petites entreprises?
Lors de mes premières années en affaires, je passais des dizaines d’heures à y travailler avec minutie, mais mon taux d’échec était spectaculaire, toujours finaliste, mais rarement gagnant.
Une petite tape dans le dos, c’est bon pour l’ego mais cela n’aide pas à payer les salaires de l’équipe.
J’ai vu toutes sortes de réponses farfelues pour discréditer une candidature en passant par :
- Vous n’êtes pas assez cher, ils vont baisser notre budget annuel si on va avec votre entreprise.
- Vous êtes disqualifiés car vos coordonnées ne sont pas assez présentes dans le document.
- Malheureusement, on préfère une entreprise du coin. (Pourquoi vous nous avez invité bordel?)
- Vous n’avez pas assez d’expérience dans notre domaine (Mon ami, c’est du développement Web que ce soit un hôpital, une application éducative ou une ville, cela reste du développement Web.)
- Guy, je ne suis pas le seul à décider, si c’était juste de moi, c’est sûr qu’on travaillerait ensemble, mais le directeur des communications ne te connaissait pas.
- Vos réalisations graphiques sont superbes, mais le designer graphique n’a pas de baccalauréat, désolé.
- Et j’en passe pour garder l’anonymat …
Un jour après une défaite cruelle, j’ai décidé de ne plus répondre à quoi que ce soit. J’avais assez perdu de temps.
Depuis, ma santé mentale s’en portait mieux mais j’ai cédé à la pression, il y a deux ans.
Nous avons alors recommencé à répondre aux appels d’offres et malgré quelques victoires réconfortantes, rien n’a véritablement changé.
Ceci est ma perception, mon expérience.
Je suis frustré et je m’assume. Ma perception est que l’on favorise encore qui on veut bien favoriser. C’est tellement facile d’éliminer une entreprise, les portes de sortie sont tellement nombreuses.
Récemment, nous avons perdu un appel d’offres et une grosse semaine de travail pour la refonte d’un site Web d’une municipalité qui s’est soldé à 11 000$ … un gros site Web de ville!
Honnêtement, à moins d’embaucher des travailleurs à 5$/h en Inde, je ne vois pas comment l’entreprise gagnante pourra livrer de la qualité pour les citoyens à ce montant et qu’il en reste à la fin.
Je gage qu’en cours d’exécution, le mandat va changer un peu … devais-je profiter de la loi d’accès à l’information? Il y a probablement du matériel d’enquête intéressant.
J’ai même vu un mandat concernant de l’hébergement de données importantes attribué selon la méthode du plus bas soumissionnaire.
Je pourrais écrire longtemps sur le sujet car il y a anguille sous roche dans bien des cas vécus.
Je me contenterai de dire pour être politiquement correct, que de changer de fournisseur, ça demande de rebâtir une nouvelle relation d’affaires, c’est insécurisant, les organisations sont bien ancrées dans leur routine, l’humain est ainsi fait.
En conclusion, le journalisme d’enquête a encore du travail à faire et si un jour, je touche à la politique, j’en ferai un cheval de bataille. Il serait temps de creuser en technologie aussi.
Guy Bolduc est le fondateur de Agence B-367 et Wanos Formations. Passionné du Web et des réseaux sociaux, il est conférencier, formateur accrédité et il aide les entreprises dans ce domaine. Auparavant, il a passé plus de 20 ans devant la caméra comme présentateur à TVA et Radio-Canada.
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